La création est pour moi tant une fuite du réel par l'imaginaire, l'extrapolation ou l'abstraction ; qu'une volonté de le traduire, c'est à dire de rendre perceptible ce qui m'a marqué dans son arpentage. Il y a, il me semble, une nécessité de l'art comme médiateur des conditions environnementales actuelles. J’ai découvert que la force pour faire réagir, pour traduire le monde, cet engagement qui m'est propre se cache dans l'estampe et la peinture. La place du regard des autres est nécessaire dans mon travail, et m’aide à m’ancrer dans un contexte historique et théorique. Je m'évertue à rester à l'affût d'occasions permettant de tels échanges. Je pense que cette condition de regard sur la crise climatique rend toute création éminemment contemporaine, malgré, peut-être grâce à, l'usage de techniques tombant dans l'oubli. 



Sortie du fourreau, sortie du cadre, 2024
Lithographie,  67 x 51 cm
Brou de noix, jardin ; fleurs de pissenlits, route (rt) de Soulice ; feuilles de jeunes chênes, route de la bouteille
Papier vergé Moulin Richard de Bas 240 g.m-2, à la main, pur chiffon forme, coton et lin
Réalisée avec le soutien du DomaineM


J'ai avant tout, un besoin de rencontrer les paysage et ceux qui l'habitent pour peindre. Les résidences sont une manière de m'éloigner de ceux qui me sont quotidiens. Rencontres neuves, enrichissantes avec une faune et une flore qui changeront au fil des saisons. C'est une aubaine que votre résidence commence avec le printemps. C'est évidemment le meilleur moment pour récolter bourgeons et fleurs pour la création de couleurs. Une fois à l'atelier, j’y ferai des observations au microscope, des relevés, des dessins et la mise en place de recherche pour des gravures et des peintures. Vos locaux seraient d’abord le lieu dédié à l'archivage du matériel photographique et des récoltes, un berceau pour l'expérimentation avant d’être l’espace de créations « définitives ».

Autant par les plantes que par les minéraux, je tends à fabriquer moi-même tous les pigments dont je me sers. Ma recherche, ici technique, ne s'arrête pas là. Il s'agit de les utiliser correctement tant en peinture, qu'au travers de l'estampe. Je suis d'ailleurs inspiré par la présence d'une presse à épreuve dans vos locaux.





Paysage Bourbonnais, extraits des routes forestières, 2024
Acrylique et huile sur toile de coton 400 g.m-2
Ardoise ocre pâle, route de la Mouche ; bourgeons de charme oriental, rond (rd) des Chamignoux ; feuilles de jeunes chênes, rt de la bouteille ; fleurs de genêt hirsute, la Chaume ; grès rouge, fontaine (ft) de la Compassion ; bourgeons d’épicéa de Sibérie, rd de la Cave ; racines de prunellier spinosa, rt de Soulice ; roche calcaire ocre pâle,
ft Verniole
270 x 200 cm
Avec le soutien du DomaineM

Paysage Bourbonnais, ruines de bruyères, 2024
Acrylique et huile sur toile de coton 400 g.m-2
Ardoise ocre pâle, route de la Mouche ; bourgeons de charme oriental, rd des Chamignoux ; feuilles de jeunes chênes, rt de la bouteille ; fleurs de genêt hirsute, la Chaume ; grès rouge, ft de la Compassion ; fleurs de pissenlit, rt de Soulice ; terres de cendre, ft Verniole ; bourgeons d’épicéa de Sibérie, rd de la Cave ; argile fauve pâle, carrefour des Meuniers.
270 x 200 cm
Avec le soutien du DomaineM


“Dans les forêts comme aux abords des marais, dans les carrières ou les sablières que cherche-t-on ? Que pourrait-on trouver ? On ne peut se départir de l’idée selon laquelle les rêveries de la carrière, du marais, de la sablière possèdent un sens commun, en partie voilé : quelque chose, une vie, vient du fond secret et oublié pour nous parler ou, tout simplement, nous rencontrer, ainsi cette larve de trichoptère à fourreau16 et son étang où ciel et terre se rejoignent, en pleine forêt de Tronçais. Ces images inattendues sont un mélange de révélation et d’énigme : tout en elles est semblable au battement d’ailes de l’oiseau où le risque et la chance se confondent. Car, en réalité, le secret n’existe pas. Il n’est que l’une des formes innombrables de l’inaperçu. Tout ce que la science et l’art sont à même de révéler par leurs pratiques, s’extirpe de l’enfouissement du caché, pour monter au jour et gagner la lumière. L’inaperçu révélé n’efface pas complètement le sens du “secret” : il en transmue les modalités qui sont des apparitions. Il l’arrache au mystère pour l’insérer dans cette part du monde où la beauté anime tout ce qui tombe sous notre regard. Nous sommes vivants parmi les vivants, êtres parmi les êtres, présences dans le temps. Celui qui nous est imparti et celui qui nous enveloppe. Que tout apparaisse alors dans sa pleine clarté pourrait signifier que tout demeure à venir. Radieuse aurore.”


Michel Cegarra
Extraits de Empreintes du vivant
Dispositifs d’apparition, de mémoire et de temps
,
dans Les Cahiers n°28, publication du DomaineM, 2024
Page 56